Orthographe, textes "creux" : pourquoi les collégiens d'aujourd'hui ont-ils tant de mal à écrire ?

« Les jeunes ne savent plus écrire! »
« C’est truffé de fautes! »
« Mon ado me rend des textes complètement creux, sans intérêt… »
Cette plainte, vous l’entendez partout. Peut-être même qu’elle résonne chez vous, lorsque vous jetez un œil sur les copies ou les messages de votre collégien. On a l’impression d’une chute vertigineuse, d’une génération qui a perdu le mode d’emploi de la langue française.
Mais est-ce si simple? Et si, derrière ce constat un peu brutal, se cachaient des raisons plus profondes, plus complexes, et surtout… des pistes pour agir?
La vraie chute : l'orthographe grammaticale

Commençons par le plus visible : les fautes. Oui, les études le confirment, le niveau baisse. Mais pas n’importe comment! Imaginez : on a donné la même dictée à des élèves de fin de primaire à plusieurs époques. Le résultat est sans appel : le nombre moyen d’erreurs est passé de 10,6 en 1987 à 19,4 en 2021. Il a quasiment doublé!
Mais le plus intéressant, c’est le type d’erreurs. Ce n’est pas tant l’orthographe des mots (savoir écrire « maison » ou « philosophe ») qui s’est effondrée. Non, le vrai problème, c’est l’orthographe grammaticale.
C’est-à-dire tout ce qui demande un raisonnement :
- L’accord du verbe avec son sujet (surtout quand il est loin ou inversé).
- L’accord du participe passé (le cauchemar national!).
- Les accords dans le groupe nominal (« des beaux gâteaux »).
En clair, ce n’est pas la mémoire qui flanche, c’est la logique de la phrase. Nos collégiens ont de plus en plus de mal à analyser la structure d’une phrase pour appliquer la bonne règle. Ils écrivent comme ils parlent, sans prendre le temps de « scanner » leur propre texte pour en vérifier la cohérence.
Des textes "creux"? La faute aux écrans

(mais pas seulement)
« D’accord pour les fautes, mais ses rédactions sont vides! »
Cette impression est, elle aussi, liée à une évolution massive de notre société. Pour bien écrire, il faut avoir lu. La lecture, c’est notre « garde-manger » de mots, de tournures de phrases, d’idées, de structures de récit. C’est en lisant qu’on absorbe, sans même s’en rendre compte, les outils qui nous serviront à construire notre propre pensée à l’écrit.
Or, le constat est alarmant : un jeune de 16-19 ans passe en moyenne 12 minutes par jour à lire pour le plaisir, contre 5 heures et 10 minutes sur les écrans.
Le garde-manger se vide. Quand vient le moment d’écrire, l’ado ouvre le placard et n’y trouve que les quelques ingrédients de son langage parlé quotidien. Difficile de préparer un plat élaboré dans ces conditions… Le texte n’est pas « creux » par manque d’imagination, mais par manque d’outils pour l’exprimer.
Le stylo contre le smartphone : un combat inégal?

Enfin, il y a la question de la lisibilité. Une écriture illisible ou lente n’est pas un détail. Les neurosciences nous l’apprennent : quand le geste d’écrire n’est pas automatique, il consomme une énergie mentale folle. Le cerveau est tellement occupé à former les lettres qu’il n’a plus de « bande passante » disponible pour réfléchir aux idées, au vocabulaire ou à l’orthographe.
Et le numérique dans tout ça? Contrairement à une idée reçue, le langage SMS ne « contamine » pas l’orthographe. Les études montrent que les ados savent très bien faire la différence. Le vrai défi est ailleurs : ils doivent constamment jongler entre deux mondes.
- L’écriture scolaire : manuscrite, formelle, lente, réflexive.
- L’écriture numérique : sur clavier, informelle, rapide, interactive.
Le problème, c’est que l’école n’a pas encore vraiment appris à gérer ce grand écart. On demande aux élèves de passer de l’un à l’autre sans mode d’emploi, comme si c’était naturel. Résultat : les codes se mélangent, et le registre informel s’invite parfois dans les copies.
Alors, on fait quoi?

Trois pistes concrètes pour aider votre collégien...
Pas de panique, rien n’est perdu! En tant que parent, vous avez un rôle clé à jouer.
- Faire de la grammaire un jeu de construction. Oubliez le par cœur. L’idée est de lui faire manipuler la langue. Jouez à trouver le verbe et son sujet dans des phrases complexes. Utilisez des surligneurs de couleurs différentes. Montrez-lui que la phrase est un puzzle logique. L’objectif : passer de « je dois appliquer une règle » à « je comprends comment ça fonctionne ».
- Relancer la machine à lire (sans forcer). La guerre contre les écrans est perdue d’avance. Soyez plus malin! L’important est que votre ado soit au contact de la langue écrite. Manga, BD, article de blog sur les jeux vidéo, magazine de sport, biographie de son chanteur préféré… Tout est bon à prendre! L’objectif : remplir à nouveau le « garde-manger » de mots et d’idées, en partant de ses centres d’intérêt.
- Valoriser chaque type d’écriture. Discutez avec lui des différents « costumes » de la langue. L’écriture SMS, c’est le « jean-baskets », parfait pour parler aux amis. La rédaction, c’est le « costume-cravate », nécessaire pour un contexte formel. En nommant les choses, vous l’aidez à prendre conscience des différents registres et à choisir le bon au bon moment. C’est une compétence essentielle au XXIe siècle.
Le niveau d’écriture de nos collégiens n’est pas le reflet d’une génération paresseuse, mais le symptôme d’un monde qui a changé. Leur plume n’est pas cassée ; elle a juste besoin d’être accompagnée et guidée avec bienveillance pour trouver sa place entre le papier et l’écran.